De fait, tous les temps de la Révélation ne sont pas accomplis, et le Christ doit revenir à la fin. L’humanité, dans son ensemble, dans sa nature, dans son essence, doit subir une transformation telle qu’il ne s’en est jamais produite de semblable dans toute l’histoire de la Création. Voici ce que je vous exhorte à croire, à la suite des fidèles Apôtres, dont on pourrait dire, sans trop exagérer, qu’ils ont écrit et prêché pour les oreilles d’aujourd’hui. Et vous comprenez bien que ce n’est pas tant « le monde » qui se transforme, que notre âme ; et que l’on ne nous mènerait pas tant de guerre, s’il ne se produisait cette transformation. De ce point de vue, nous sommes encore, nous Chrétiens, du point de vue de l’histoire comme de la conscience, ou encore des troubles qui agitent notre âme et l’éprouvent sans relâche, dans une situation comparable à celle du peuple hébreux au temps de sa servitude en pays d’Égypte. Rien ne ressemblait moins à l’accomplissement de la promesse faite jadis à Abraham, à Isaac et à Jacob ; et rien ne ressemblait moins à un peuple de Dieu que ce peuple qui n’était pas encore un peuple et que Moïse eut bien des difficultés à former selon le dessein de Dieu. Nous sommes encore dans ce temps, intensivement polémique, de la confrontation qui précède l’Exode, la sortie d’Égypte, le passage de la Mer Rouge. C’est ce moment qui sera fondateur de l’existence du peuple d’Israël, formé par Dieu, non pas en quelques semaines ou en quelques mois, mais pendant plus de quarante ans, dans le désert, dans des conditions qui pouvaient être épouvantables. Ce peuple à la nuque raide. De même, nous pouvons saisir une analogie entre notre condition historique et spirituelle, après mille ans de christianisme occidental, et la condition des juifs dans les temps qui précèdent, accompagnent et suivent l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus Christ, alors que la Palestine se trouvait sous domination romaine. Aucun des deux grands Prophètes de l’histoire de l’humanité n’apparaît dans un contexte isolé, mais au milieu du monde dans ce qu’il a de plus « moderne ». Ce sont des conditions historiques et spirituelles qui sont telles, qu’en elles le contraste entre les apparences du monde, dans lesquelles chacun de nous se fond et se confond, et les réalités spirituelles qui sous-tendent secrètement ces apparences (sans les produire directement), se manifeste avec force. Rien, dans les apparences, ne laisserait présager une grande maturité spirituelle, au contraire, on se croirait devant un peuple redevenu enfant, mais dans le mauvais sens du terme, dans le sens adolescent, moderne, bien contemporain, suffisant et orgueilleux ; la conscience elle-même, qui pourtant ne cesse de se contempler dans tous les miroirs, de s’examiner, de s’analyser, de se juger, de s’interpréter, voire de se négocier, est à peine consciente des réalités qui lui remuent l’âme et ne la laissent jamais tranquille. Et nous sommes assez prompts à désespérer de nos contemporains ; sachant que nous sommes toujours à nous-mêmes nos propres contemporains… Cependant, ce sont aussi les périodes les plus propices, les plus favorables, à la manifestation de quelque chose – ou de quelqu’un – de divin. Cela est en train de se produire, nous le sentons, nous le savons dans nos entrailles, et c’est précisément pour cela que, les uns et les autres, nous avons été mis à part et formés. Voilà ce que nous devons croire, voilà ce dont nous n’avons pas le droit de douter. Nous avions rendez-vous, un rendez-vous que nous ne pouvions pas manquer. Avons-nous veillé avec constance, sommes-nous demeurés fermes et solides dans la foi, n’avons-nous jamais douté, même de l’amour du Seigneur, pour ne rien dire de son triomphe à la fin ? Mais nous sommes là. Là où précisément nous étions attendus, là où nous serons appelés chacun par notre nom, et nous répondrons « Me voici, Seigneur ! » Et si vous nous voyez à genoux, comme vaincus et humiliés, c’est que nous sommes en train de prier.

En la solennité de la Pentecôte, le 27 Mai 2023.