Le discernement des esprits chez Saint Ignace de Loyola

Le discernement des esprits chez Saint Ignace de Loyola

« Règles propres à faire discerner et sentir, en quelque manière, les divers mouvements excités dans l’âme, soit par le bon esprit, afin de les recevoir ; soit par le mauvais, afin de les repousser…

« Première règle. ‒ À l’égard des personnes qui vont de péché mortel en péché mortel, la conduite ordinaire de l’ennemi est de leur proposer des plaisirs apparents, leur occupant l’imagination de jouissances et de voluptés sensuelles, afin de les retenir et de les plonger plus avant dans leurs vices et dans leurs péchés. ‒ Le bon esprit, au contraire, agit en elles d’une manière opposée : il aiguillonne et mord la conscience, en leur faisant sentir les reproches de la raison.

« Deuxième règle. ‒ Dans les personnes qui travaillent courageusement à se purifier de leurs péchés, et vont de bien en mieux dans le service de Dieu, notre Seigneur, le bon et le mauvais esprit opèrent en sens inverse de la règle précédente. Car c’est le propre du mauvais esprit de leur causer de la tristesse et des tourments de conscience, d’élever devant elles des obstacles, de les troubler par des raisonnements faux, afin d’arrêter leur progrès dans le chemin de la vertu ; au contraire, c’est le propre du bon esprit de leur donner du courage et des forces, de les consoler, de leur faire répandre des larmes, de leur envoyer de bonnes inspirations, et de les établir dans le calme, leur facilitant la voie et levant devant elles tous les obstacles, afin qu’elles avancent de plus en plus dans le bien.

[…]

« Douzième règle. – Notre ennemi ressemble à une femme : il en a la faiblesse et l’opiniâtreté. C’est le propre d’une femme, lorsqu’elle se dispute avec un homme, de perdre courage et de prendre la fuite aussitôt que celui-ci lui montre un visage ferme ; l’homme, au contraire, commence-t-il à craindre et à reculer, la colère, la vengeance et la férocité de cette femme s’accroissent et n’ont plus de mesure.

« De même c’est le propre de l’ennemi de faiblir, de perdre courage et de prendre la fuite avec ses tentations, quand la personne qui s’exerce aux choses spirituelles montre beaucoup de fermeté contre le tentateur, et fait diamétralement le contraire de ce qui lui est suggéré. Au contraire, si la personne qui est tentée commence à craindre et à supporter l’attaque avec moins de courage, il n’est point de bête féroce sur la terre dont la cruauté égale la malice infernale avec laquelle cet ennemi de la nature humaine s’attache à poursuivre ses perfides desseins.

« Treizième règle. – Sa conduite est encore celle d’un séducteur : il demande le secret et ne redoute rien tant que d’être découvert. Un séducteur qui sollicite la fille d’un père honnête, ou la femme d’un homme d’honneur, veut que ses discours et ses insinuations restent secrets. Il craint vivement, au contraire, que la fille ne découvre à son père, ou la femme à son mari, ses paroles trompeuses et son intention perverse ; il comprend facilement qu’il ne pourrait réussir dans ses coupables desseins.

« De même, quand l’ennemi de la nature humaine veut tromper une âme juste par ses ruses et ses artifices, il désire, il veut qu’elle l’écoute et qu’elle garde le secret. Mais si cette âme découvre tout à un confesseur éclairé, ou à une autre personne spirituelle qui connaisse les tromperies et les ruses de l’ennemi, il en reçoit un grand déplaisir ; car il sait que toute sa malice demeurera impuissante, du moment où ses tentatives seront découvertes et mises au grand jour. »

Saint Ignace de Loyola, Exercices spirituels, éditions Traditions Monastique, 2016, n°. 313-315, 325-326.

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