Le péché originel chez Saint Thomas d’Aquin

Le péché originel chez Saint Thomas d’Aquin

« Or le premier péché du premier homme n’a pas seulement supprimé, pour ce pécheur, un bien qui lui était propre et personnel, comme la grâce ou l’ordre normal dans l’âme, mais aussi un bien qui concerne la nature commune des hommes. Comme nous l’avons dit, la nature humaine à son commencement a en effet été instituée de telle manière que les forces inférieures étaient parfaitement soumises à la raison, la raison à Dieu, et le corps à l’âme, Dieu intervenant par la grâce quand tout cela manquait dans la nature. Or une faveur de ce genre, que certains ont appelée la justice originelle, avait été accordée au premier homme pour qu’il la transmette à sa descendance en même temps que la nature humaine. Mais après le péché du premier homme, la raison s’est soustraite à sa soumission à Dieu ; en conséquence, les forces inférieures n’ont plus été parfaitement soumises à la raison, ni le corps à l’âme ; et cela n’a pas concerné seulement le premier pécheur : le même défaut est parvenu à ses descendants, à qui aurait dû parvenir également la justice originelle dont nous avons parlé. Le péché du premier homme – dont la foi enseigne que tous les autres hommes sont issus – fut ainsi un péché à la fois personnel et naturel : personnel dans la mesure où ce péché à privé d’un bien qui lui était propre ce premier homme lui-même ; et naturel dans la mesure où il lui a retiré, ainsi qu’à sa descendance, une faveur qui avait été accordée à la nature humaine tout entière. Ainsi ce type de défaut, passant dans les autres hommes depuis le premier père, vérifie la définition (ratio) de la faute même dans ces autres hommes dans la mesure où, participant à une nature commune, ils sont comptés comme un seul. Et ainsi nous découvrons que la volonté de ce premier homme fait de ce dernier type de péché un péché volontaire, à la manière dont la volonté du premier moteur, en l’occurrence la raison, fait qualifier de faute l’action de la main ; et ainsi, dans le péché de nature, les différents hommes sont un peu comme les parties d’une nature commune, et sont semblables aux différentes parties d’un homme unique dans le cas du péché personnel. »

Saint Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils, IV, 52 (II, 1).

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