Du souverain bien

Du souverain bien

Nous pourrions dire que toute notre intelligence a pour but de servir la Révélation (et non l’inverse), d’en éclairer le sens, afin de favoriser le plus possible la médiation entre Dieu et les hommes. Et toute notre compréhension, du monde, de l’homme et de Dieu, est ordonnée par et subordonnée à la connaissance et à la pratique du Bien supérieur et souverain, qui trouve en Dieu sa cause finale et sa destination ultime. Cet ordre supérieur, qui, en devenant notre bien, devient l’objet de notre convoitise, la forme de notre désir, détermine, en ses termes les plus simples, la fonction de la nature humaine, ce pour quoi nous avons été créés : pour connaître, aimer, louer, glorifier et servir Dieu, notre Créateur et notre Père dans les cieux. Si nous gardons cette idée en tête, si nous conservons et cultivons en nous et entre nous cette pensée, que notre but est de connaître, d’aimer et de servir le Seigneur notre Dieu, que nous n’avons pas d’autre but essentiel dans la vie, que tous les buts particuliers ou secondaires peuvent et doivent être ordonnés et subordonnés à cette cause finale – parce que nous avons été créés pour cela – cela ne rend pas moins éprouvant ce qui nous éprouve, mais simplifie notre relation à notre propre existence, à notre propre expérience de Dieu et à ce qui la constitue.

De cette proposition simple, tout le reste découle : l’ensemble de la vie éthique. Mais il faut commencer par admettre ce principe, ce qui ne sera pas simple pour beaucoup d’entre nous. Par les lumières naturelles de la raison, l’intelligence ou l’entendement, nous pouvons parvenir à ce sommet de la pensée philosophique que représente le développement de la vie éthique, l’ordonnancement de l’expérience humaine dans son intégralité selon des intérêts qui, sans être pleinement spirituels, nous conduisent de la sphère purement matérielle des intérêts égoïstes ou de la volonté de puissance, à la sphère déjà plus pure de l’action morale, autrement dit de la volonté même. Mais une telle conception, presque spirituelle, de l’expérience humaine, telle qu’elle se trouve comme prise dans un réseau de relations complexes, ne peut pas tenir si elle n’est qu’une construction humaine, une représentation ou une théorie comme il pourrait y en avoir d’autre. Il faut qu’elle soit dans l’œuvre de Dieu, que le souffle de l’Esprit soit en son principe comme en sa fin, ordonnée à la finalité supérieure de l’homme, qui, si elle ne peut être définie en termes exacts et précis, nous laisse à tout le moins penser qu’elle n’est pas de ce monde, qu’elle ne se réalise pas selon la plénitude de son potentiel dans cette vie.

Illustration : SIMON-MATHURIN LANTARA (1752)

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