Voici l’heure où les ténèbres recouvrent le monde

Voici l’heure où les ténèbres recouvrent le monde

« Vivante, en effet, est la parole de Dieu, efficace et plus incisive qu’un glaive à deux tranchants, elle pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit, des articulations et des moelles, elle peut juger les sentiments et les pensées du cœur. Aussi n’y a-t-il pas de créature qui reste invisible devant elle, mais tout est nu et découvert aux yeux de celui à qui nous devons rendre compte. »

Épître aux Hébreux, 4, 12-13.

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Commençons par rendre grâce au Seigneur notre Dieu pour les temps que nous vivons, comme nous avons choisi de les vivre. Non pas comme nous les voulons, mais comme Lui veut que nous les vivions : avec Son image, en vue de Sa ressemblance, pour que nous soyons parfaits et saints comme Lui est parfait et saint. Non parfaits de notre perfection, mais de la sienne, car Lui seul est parfait ; non saints de notre sainteté, mais de la sienne, car Lui seul est saint : « Qui donc est comme Toi, Seigneur, terrible en ses exploits, magnifique en sainteté ? » Et nous faire obéissants : en devenant ce que Dieu veut que nous devenions pour Lui, en désirant ce qu’Il veut, de toutes nos forces, de tout notre cœur et de toute notre âme. C’est d’ailleurs le premier commandement de la Loi : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toutes tes forces, de tout ton cœur et de toute ton âme. Obéissants, donc, non par contrainte ni par crainte, ni dans le cadre d’un éventuel arrangement, mais par amour : nous voulons obéir à Dieu parce que nous L’aimons ; et si nous L’aimons, si nous pouvons L’aimer, c’est parce que Lui nous a aimés, et qu’il nous a aimés le premier. Obéir, c’est donc aimer. C’est même plus que ça, car nous sommes incapables d’aimer Dieu, de Lui rendre son amour par nous-mêmes. Nous sommes trop petits. C’est nous laisser aimer par Dieu, Le laisser venir en nous, nous pénétrer et faire en nous toute la place dont Il a besoin pour mettre son amour, pour se donner entièrement. Nous lui obéissons parce qu’Il est notre Père, comme des enfants obéissent à leur père. Et c’est précisément ce chemin que Jésus nous enseigne et sur lequel Il nous invite à Le suivre, à L’accompagner, et à l’accomplir jusqu’au bout avec Lui et pour sa Gloire. Le temps de la Passion. Ce temps où nous sommes en gestation depuis plus de deux mille ans. Lui qui nous a ouvert le chemin ; Lui qui est le Chemin et la Porte. Lui qui s’est fait le plus obéissant d’entre les hommes – le Serviteur, l’Agneau –, « obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur la croix. »

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Seigneur, Vous vous êtes livré pour que nous ne vivions plus en l’esclavage du péché. Quelle grandiose énigme ! Qui d’entre nous aurait eu le courage d’un tel sacrifice, ou même d’un plus petit ? Parce que Vous avez tant aimé le monde ! Enlever le péché du monde, racheter le sang des hommes au prix de Votre propre sang – c’était là la fine pointe de Votre glorieuse mission – et c’est un autre grand mystère que nous ne comprenons pas, nous autres, parce que nous ne sommes pas nés d’en haut. Et pourtant nous en vivons, nous en mangeons comme notre nourriture essentielle depuis plus de deux mille ans. Notre pain de chance. Et peut-être que nous ne vivrions déjà plus si nous n’avions cette nourriture. Vous êtes venu, et Vous saviez que la moisson serait abondante à la fin des siècles. Voyez ! Nous sommes plus de sept milliards maintenant, à crier vers Vous (peut-être que nous sentons que la fin est possible et proche), même si tous ne savent pas qu’ils crient, ni vers qui. Peut-être Vous souviendrez-vous de votre peuple le jour où il se souviendra de Vous. Guérissez notre impatience, Seigneur, pardonnez notre impudence, car nous sommes encore lourds de nous-mêmes, pleins des ténèbres que nous portons et qui n’ont pas encore donné naissance à la lumière. Nous sommes plus de sept milliards, et nos croix nous attendent, elles attendent que nous nous fassions chameaux. « La Moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux. Priez le Maître de la Moisson pour qu’Il vous envoie des ouvriers. » Et le diable aussi fait sa moisson, dans l’autre sens, en cette heure particulière où les ténèbres recouvrent le monde, où il attend de nous perdre au pied de la Croix où, pour notre salut, nous nous rendons comme des mendiants de la Miséricorde infinie du Père. Ses ouvriers à lui sont légions, car il les paye de leurs désirs. C’est pourquoi : « Priez pour ne pas entrer en tentation. L’esprit est ardent, mais la chair est faible. »

Semaine Sainte, 2023

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