Changement de régime

Changement de régime

– Quand est-ce que ça va s’arrêter, se demande-t-on. Mais la réponse à cette question est une perspective à laquelle il est encore difficile de se résoudre :

– Ça ne s’arrêtera pas.

Lorsque je dis cela, mes interlocuteurs sont pris d’un petit rire nerveux. J’ai beau enrober mon propos dans les traits d’un personnage de comédie, ils savent tout comme moi ce qu’il y a de vrai dans cette proposition. Ce n’est pas tant que nous n’en sortirons jamais, nous finirons bien par en sortir, même si, c’est vrai, l’histoire peut pourrir lentement avant de s’effondrer. C’est surtout qu’il nous faudra le traverser et le traverser jusqu’au bout. Le gouvernement mondial totalitaire n’est plus une menace mais une réalité effective que nous ne pouvons plus contourner depuis longtemps, et il nous faudra traverser le temps de sa puissance – et de sa violence, avant d’atteindre réellement les rives du « monde d’après ». C’est, en un sens, le prix que nous devons consentir à payer si nous voulons passer une fois pour toutes « de l’autre côté » – là où nous sommes attendus depuis déjà des siècles, là où nous préparons notre demeure – de traverser ce temps de la crise, de l’épreuve, qui est le temps d’une nécessaire transformation.

– Ce que je crois, c’est que nous ne sortirons de cette folie que par un changement de régime.

– Tu crois ?

– C’est ce que je crois, mais je n’en sais rien… C’est un pressentiment, je ne peux rien prédire… Seulement, je reste convaincu que nous n’y couperons pas. Ce n’est pas ce que je souhaite… Je préférerais que nous puissions ne pas en passer par là, mais il y a longtemps déjà que nous avons choisi notre route.

Je ne partage par l’optimisme de ceux qui s’imaginent qu’un renversement de la République donnerait naissance instantanément à une « vraie démocratie » ou serait l’avènement complet d’un « communisme » ou quel que soit le nom que l’on veuille donner à son idéal (on pourrait tout aussi bien l’appeler « christianisme »). Je ne partage pas cette illusion. Car c’est une illusion, que les nouveaux venus dans le combat nourrissent naturellement et dont ils ont besoin pour se donner du courage. Pour ma part, ce que je crois, c’est que la République ne peut être renversée que par une dictature, par une force qui, en s’imposant, prendra la forme historique d’une dictature, ou si l’on préfère, d’un régime autoritaire ou d’autorité. Je tiens à préciser à ce stade qu’il nous faut distinguer entre les mille formes que pourrait prendre ce nouveau régime et les formes spécifiques du régime actuel : notre régime est totalitaire, mais ce n’est pas une dictature, c’est une démocratie. De même qu’une dictature ne se réalise pas nécessairement sous la forme historique d’un système totalitaire. Nous pouvons même envisager que le régime qui reversera « la République maçonnique des Droits de l’Homme » soit antitotalitaire.

Si nous voulons nous donner une idée de ce qui pourrait advenir dans les prochains mois, dans les prochaines années, il suffit que nous regardions par-dessus notre épaule, que nous revenions quelques mois en arrière, au moment du déferlement des Gilets Jaunes. Il y a eu des « signes », que beaucoup d’entre nous ont perçus, que le temps confirme ou confirmera bientôt. Le pouvoir à tremblé. Cela reste encore difficile à percevoir lorsque l’on ne regarde que l’« aspect sanitaire » de la crise et que nous oublions de faire les connections qui permettent d’expliquer, de soulever un coin de voile ; mais cela devient une évidence lorsque l’on prend un peu de recul et que l’on contemple la big picture, comme disent les anglo-saxons : la situation dans laquelle nous sommes plongés depuis un an maintenant est une réaction au choc enregistré à l’occasion de cette manifestation. Une réaction que beaucoup peinent à mesurer. Ce n’est pas la poignée de bonshommes en gilets jaunes qui ont suscité cette réaction, mais bien la puissance invisible dont les Gilets Jaunes furent la forme d’apparition historique. Ce sera le même mouvement qui, demain, renversera la République. Les gilets des hommes qui seront les acteurs historiques de ce mouvement ne seront peut-être pas jaunes, ils seront peut-être bruns, comme le redoute depuis le premier jour le philosophe milliardaire Bernard-Henri Lévy. Il n’y aura peut-être plus de gilets du tout…

Quelle forme prendra le prochain régime ? Là encore nous ne pouvons qu’imaginer… Peut-être que ce sera une dictature populaire, « la dictature du prolétariat » pressentie par Marx et Engels dans l’incendie allumé par la Commune de Paris ; mais nous pourrions tout aussi bien imaginer une forme originale de Monarchie… Les deux seraient très français… Ce pourrait être encore un mélange de ces deux formes, un gouvernement populaire qui aurait à sa tête un roi, un monarque… Quoi qu’il soit, ce sera un régime provisoire, dont la principale fonction sera (je prends soin ici de mettre des gants) de pratiquer une épuration. Puis il sera à son tour renversé, laissant la place à une autre forme d’organisation, etc. Mais n’allons pas trop loin ni trop vite. Je pense que nous verrons cela émerger dans les dix ans. Ce n’est pas facile à évaluer, au niveau où ça se joue on ne mesure par vraiment le temps, ce sont des fourchettes approximatives. Cela peut aller beaucoup plus rapidement que je ne le pense, ou la situation peut encore pourrir des siècles. Il nous faudra traverser ce temps pour le savoir. Seul le temps sera notre vérification.

Il reste encore que je peux me tromper, que ce sont peut-être les optimistes qui ont raison, que nous coulerons dès demain des jours heureux à l’aube d’un paradis retrouvé ; ou peut-être que ce sont les plus pessimistes, ceux qui prédisent avec l’effondrement non seulement les heures mais aussi les siècles les plus sombres ; ou encore ceux qui disent « Je ne sais pas », qui tremblent et qui espèrent en réalisant bien qu’ils n’ont pas réellement de prises sur tout ce qui arrive ou qui pourrait arriver à partir de maintenant… Moi non plus je ne sais pas, je ne fais pas vraiment une prédiction, je partage un ressentis, que je laisse se déployer à travers le jeu instruit de nos imaginations. C’est ce que je crois et ce n’est que ce que je crois. Je ne prends pas grand risque à vous le glisser à l’oreille. Et je l’écris pour mémoire, car je suis tout de même un peu curieux…

En tirant un peu le fil de cette intuition et des imaginations qui s’y associent, qui s’y mêlent parfois dangereusement, nous pourrions presque apercevoir les premiers personnages qui incarneront ce mouvement révolutionnaire et qui le conduiront jusqu’au moment décisif de la prise du pouvoir (ils seront de tous bords venus, mais ce n’est pas par tous les bords qu’ils y accéderont). Parmi ces personnages, certains ont commencé à apparaître. Des noms, des visages nous sont connus, les premiers rôles commencent à être distribués. On peut même dire que nous avons imperceptiblement franchi certains seuils et que nous ne pourrons dorénavant pas revenir en arrière. L’incarcération de Hervé Ryssen au mois de septembre dernier est un signal clair qui nous indique que certains processus, qui étaient encore potentiels et potentiellement contournables il y a quelques mois, quelques semaines, sont enclenchés maintenant. Certains se demandent si, après sa libération, survenue il y a toujours deux semaines (le 17 du mois d’avril), monsieur Ryssen poursuivra ou non son combat politique ? Je crois, pour ma part, que la trajectoire historique de ce monsieur ne fait que commencer – et sans doute le sait-il lui-même, sans très bien voir comment il pourrait s’y prendre désormais pour l’accomplir…

Il y a d’autres trajectoires qui, dans la même vibration, se sont activées, certaines qui auront leur place dans les livres d’histoire – si toutefois nous écrivons encore des livres d’histoire. En un sens, pour nous aussi, durant cette période, cette longue saison, quelque chose s’est ébrouée, s’est ébranlée et s’est confirmée en même temps. Comme pour monsieur Ryssen – bien qu’il ne s’agisse pas ici de comparer sa trajectoire à la nôtre –cela commence par une longue nuit de pénitence. Je crois que c’est le cas pour la plupart d’entre ceux qui sont concernés par cette histoire, même pour ceux qui ne s’imaginent pas une seconde qu’ils puissent être concernés. (Je me suis longtemps demandé si ce n’était pas orgueil de ma part que de me sentir concerné. Mais c’est en réalité un sentiment dont je n’ai pas le droit de douter.)

Il y a quelque chose comme un destin qui se joue dans cette période cruciale. Certains d’entre nous en éprouvent en ce moment même une grande et vive inquiétude, voire une profonde angoisse. Parce que ce n’est pas rien, un destin, c’est tout autre chose qu’un petit drame personnel, ça s’inscrit dans l’histoire, ça se réalise, ça accompli son cycle de vie et de mort…

Extrait de Chroniques de la Guerre mondiale contre la Covid-19, 2020-2021.

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