Le péché originel chez Saint Augustin

Le péché originel chez Saint Augustin

« L’homme vivait donc selon Dieu dans le paradis à la fois corporel et spirituel. Car il n’y avait pas un paradis corporel pour les biens du corps, sans un paradis spirituel pour les biens de l’esprit ; et d’un autre côté, un paradis spirituel, source de jouissances intérieures, ne pouvait être sans un paradis corporel, source de jouissances extérieures. Il y avait donc, pour ce double objet, un double paradis. Mais cet ange superbe et envieux […] , ce prince des démons qui s’éloigne de son Créateur pour se tourner vers lui-même, et s’érige en tyran plutôt que de rester sujet, ayant été jaloux du bonheur de l’homme, choisit le serpent, animal fin et rusé, comme l’instrument le plus propre à l’exécution de son dessein, et s’en servi pour parler à la femme, c’est-à-dire à la partie la plus faible du premier couple humain, afin d’arriver au tout par degrés, parce qu’il ne croyait pas l’homme aussi crédule, ni capable de se laisser abuser, si ce n’est par complaisance pour l’erreur de l’autre. De même qu’Aaron ne se porta pas à fabriquer une idole aux Hébreux par son propre mouvement, mais parce qu’il y fut forcé par leurs propres instances, de même encore qu’il n’est pas croyable que Salomon ait cru qu’il fallait adorer des simulacres, mais qu’il fut entraîné à ce culte sacrilège par les caresses de ses concubines, ainsi n’y a-t-il pas apparence que le premier homme ait violé la loi de Dieu pour avoir été trompé par sa femme, mais pour n’avoir su résister à l’amour qu’il lui portait. Si l’Apôtre a dit : “Adam n’a point été séduit, mais bien la femme” (1Tim. II, 14) ; ce n’est que parce que la femme ajouta foi aux paroles du serpent et que l’homme ne voulut pas se séparer d’elle, même quand il s’agissait de mal faire. Il n’en est toutefois pas moins coupable, attendu qu’il n’a péché qu’avec connaissance. Ainsi Saint Paul ne dit pas : Il n’a point péché, mais : Il n’a point été séduit. L’Apôtre témoigne bien au contraire qu’Adam a péché, quand il dit : “Le péché est entré dans le monde par un seul homme” ; et peu après, encore plus clairement : “À la ressemblance de la prévarication d’Adam” (Rom. V, 12, 14). Il entend donc que ceux-là sont séduits que ne croient pas faire le mal ; or, Adam savait fort bien qu’il faisait mal ; autrement, comment cela serait-il vrai qu’il n’a pas été séduit ? Mais n’ayant pas encore fait l’épreuve de la sévérité de la justice de Dieu, il a pu se tromper en jugeant sa faute vénielle. Ainsi il n’a pas été séduit, puisqu’il n’a pas cru ce que crut sa femme, mais il s’est trompé en se persuadant que Dieu se contenterait de cette excuse qu’il lui allégua ensuite : “La femme que vous m’avez donné pour compagne m’a présenté du fruit et j’en ai mangé” (Gen. III, 12). Qu’est-il besoin d’en dire davantage ? Il est vrai qu’ils n’ont pas tous deux été crédules, mais ils ont tous deux été pécheurs et sont tombés tous deux dans les filets du diable. »

Saint Augustin d’Hippone, La Cité de Dieu, Livre XIV, chap. XI.

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