Quelques citations de circonstance…

Quelques citations de circonstance…

Pour compléter, approfondir, éclairer et préciser notre précédent article.

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« On peut comparer la géostratégie – c’est-à-dire la gestion stratégique des intérêts géopolitiques – à une partie d’échec. Toutefois, l’échiquier eurasien, à l’ovale imparfait, implique tout un ensemble de joueurs, chacun d’entre eux détenant une série de pièces – et donc un capital de puissance – différente. Les joueurs clés occupent le centre, le sud, l’est et l’ouest de l’échiquier. Sur ces deux derniers “côtés”, on trouve des régions à forte densité de population, structurées par plusieurs États puissants. À l’ouest, l’Amérique exerce directement son pouvoir sur l’étrange frange périphérique. L’extrémité orientale du bloc continental abrite un joueur indépendant, à la puissance de plus en plus manifeste et à la population gigantesque, tandis que son énergique rival – confiné sur quelques îles très proches – et la moitié d’une petite péninsule fournissent des points d’appui à l’Amérique.

« Entre ces des pôles s’étend un vaste espace central, à la population clairsemée, à l’organisation éclatée et aujourd’hui dénuée d’orientation politique ferme. Un adversaire déterminé de la prééminence des États-Unis l’occupait naguère dont l’objectif prioritaire à longtemps été d’en finir avec la présence américaine en Eurasie. Au sud de ce grand plateau central, s’étend une région marquée par une forte anarchie politique mais riche en ressources énergétiques. Elle revêt, de ce fait, une grande importance potentielle pour tous les Etats de l’Eurasie, à l’ouest comme à l’est. Densément peuplée, la frange la plus méridionale de cette zone aspire à l’hégémonie régionale.

« Le “jeu” se déroule sur cet échiquier déformé et immense, qui s’étend le Lisbonne à Vladivostok. Si l’espace central peut être attiré dans l’orbite de l’Ouest (où les États-Unis jouent un rôle prépondérant), si le Sud n’est pas soumis à la domination exclusive d’un joueur, et si l’Est ne réalise pas sont unité de sorte que l’Amérique se retrouve expulsée de ses bases insulaires, cette dernière conservera une position prépondérante. Mais si l’espace central rompt avec l’Ouest et constitue une entité dynamique, capable d’initiatives propres ; si, dès lors, il assure son contrôle sur le Sud ou forme une alliance avec le principal acteur oriental, alors la position américaine en Eurasie sera terriblement affaiblie. À l’Est, l’union des deux principaux acteurs aurait des conséquences similaires. Enfin, sur la périphérie occidentale, l’éviction des États-Unis par ses partenaires signerait la fin de la participation américaine au jeu d’échec eurasien, même si un tel retournement signifierait sans doute la subordination des confins de l’Ouest à un acteur redevenu puissant dans la région centrale. »

Zbigniew Brzezinski, Le Grand échiquier. L’Amérique et le reste du monde, trad. M. Bessière et M. Herpe-Volinski, Bayard Editions, coll. « Pluriel », 1997, p. 61-62.

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« L’ordre mondial de Gog et Magog sera un ordre de Fassad. La Sourate Al Kahf a décrit les deux caractéristiques qui définissent le Fassad de cet ordre mondial comme étant l’opposé des deux caractères qui définissent l’ordre mondial du Dhul Quarnaym. Ces derniers sont comme suit :

« Dhul Quarnaym utilisait la puissance (bâtie sur les fondements de la foi en Allah) pour punir l’oppresseur et, ce faisant, pour établir une harmonie entre l’ordre mondial ici-bas et l’ordre mondial céleste de l’au-delà (c’est-à-dire une harmonie entre les réalités temporelles et les réalités spirituelles). Gog et Magog, au contraire, allaient utiliser leur puissance invincible (bâtie sur les fondements de l’impiété) pour opprimer, et pour punir les opprimés. En agissant ainsi, ils établissent ici-bas un ordre mondial qui sera en conflit total avec l’ordre mondial céleste de l’au-delà. Deuxièmement, cet ordre mondial sera tel que l’on assistera à une oppression en augmentation constante.

« Dhul Quarnaym utilisait sa puissance pour récompenser ceux qui avaient foi en Allah le Très-Haut et dont la conduite était vertueuse. Gog et Magog allaient utiliser leur puissance dans un but diamétralement opposé. Dhul Quarnaym retenait sa puissance lorsqu’il affrontait les peuples primitifs de la Terre. Il fit preuve de sagesse et de compassion en préservant leur mode de vie primitif et en les laissant sans les inquiéter. Gog et Magog, au contraire, allaient utiliser leur puissance pour quasiment liquider ou détruire le mode de vie de tous les peuples primitifs de la Terre. Deuxièmement, cet ordre mondial sera tel que l’on assistera à des attaques augmentant si constamment contre les modes de vie primitifs que finalement ils disparaîtront. »

Imram N. Hosein, Jérusalem dans le Coran. Un regard islamique sur le destin de Jérusalem, chap. X, « Gog et Magog dans le Coran et les hadiths », Saint-Denis, Kontre Kulture, 2012, p. 198-199.

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« Exiger des hommes, en toute sincérité, qu’ils tuent d’autres hommes et qu’ils soient prêts à mourir pour que le commerce et l’industrie des survivants soient florissants et pour que le pouvoir d’achat de leurs arrière-neveux soit solide, c’est une atrocité, c’est de la démence. Maudire la guerre homicide et demander aux hommes de faire la guerre, de tuer et de se faire tuer pour qu’il n’y ait “plus jamais ça”, c’est une imposture manifeste. La guerre, les hommes qui se battent, prêts à mourir, le fait de donner la mort à d’autres hommes qui sont, eux, dans le camp ennemi, rien de cela n’a de valeur normative, il s’agit, au contraire, de valeurs purement existentielles, insérées dans la réalité d’une situation de lutte effective contre un ennemi réel, et qui n’ont rien à voir avec de quelconques idéaux, programmes ou abstractions normatives. Il n’est pas de finalité rationnelle, pas de norme, si juste soit-elle, pas de programme, si exemplaire soit-il, pas d’idéal social, si beau soit-il, pas de légitimité ni de légalité qui puisse justifier le fait que des êtres humains se tuent les uns les autres en leur nom. Car, si à l’origine de cet anéantissement physique de vies humaines il n’y a pas la nécessité vitale de maintenir sa propre forme d’existence face à une négation tout aussi vitale de cette forme, rien d’autre ne saurait le justifier. S’il existe réellement des ennemis au sens existentiel du terme tel qu’on l’entend ici, il est logique, mais d’une logique exclusivement politique, de se défendre contre eux, si nécessaire, par l’emploi de la force physique et de la lutte avec eux. »

« Qu’un État universel englobe la terre et l’humanité entières, il s’ensuit qu’il n’est pas une unité politique et l’appeler État est une simple façon de parler. Si l’unité de l’humanité et de la terre entières se réalisait effectivement sur une base relevant exclusivement de l’économie et de la technique des communications, il n’y aurait d’unité sociale à ce stade qu’au titre où les locataires d’un même bâtiment, les abonnés du gaz reliés à une même usine ou les voyageurs d’un même car constituent une unité sociale. Tant que cette unité demeurerait celle de l’économie ou des communications, il lui serait même impossible, faute d’adversaire, de s’ériger en parti de l’économie et des transports. Si elle prétendait aller au-delà et former une unité à un niveau supérieur, culturel, idéologique ou autre, absolument non politique toutefois, nous aurions une société coopérative de consommation et de production à la recherche de sa position d’équilibre indifférent entre les deux pôles de l’éthique et de l’économique. Cette unité ne connaîtrait ni Etat, ni empire, ni république ni monarchie, ni aristocratie ni démocratie, ni protection ni obéissance, elle aurait perdu tout caractère politique. »

Carl Schmitt, La Notion de politique, V, VI,, trad. M.-L. Steinhauser, éditions Flammarion, coll. “Champs classiques”, pp. 90, 100.

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« Ainsi était accepté, malgré l’absence de garanties valables, le rétablissement d’un pouvoir central allemand dans les trois zones occidentales. Ainsi était instituée la “Communauté européenne du charbon et de l’acier”, qui, sans donner à nos mines détruites les moyens de ses rétablir, dispensait les Allemands de nous fournir des redevances en combustibles et procurait aux Italiens ce qu’il fallait pour se doter d’une grande sidérurgie. Ainsi était abandonnée le grand rattachement de la Sasse et le maintient dans ce territoire de l’État autonome qui s’y était créé. Ainsi était conclue – et eût été appliquée si un sursaut national ne l’avait “in extremis” exorcisée – la création d’une “Communauté européenne de défense”, qui consistait à priver la France victorieuse du droit d’avoir une armée, à confondre les forces militaires qu’elle devrait, néanmoins, lever avec celles de l’Allemagne et de l’Italie vaincues – l’Angleterre se refusant pour son compte à un pareil abandon – enfin à remettre en toute propriété le commandement de cet ensemble apatride aux États-Unis d’Amérique. Ainsi, une fois adoptée, à Washington, la déclaration de principe dite “Alliance atlantique”, était mise sur pied l’ “Organisation du Traité de l’Atlantique Nord”, en vertu de laquelle notre défense et, par là, notre politique, disparaissait dans un système dirigé par l’étranger, tandis que le généralissime américain, installé près de Versailles, exerçait sur l’Ancien Monde l’autorité militaire du Nouveau. Ainsi, lors de l’affaire de Suez, l’expédition que Londres et Paris entreprenaient contre Nasser était montée de telle sorte que les forces françaises de toute nature et à tous les échelons se trouvaient placés sous les ordres de Britanniques et qu’il suffît que ceux-ci aient décidé de rappeler les leurs sur sommation de Washington et de Moscou pour que les nôtres fussent retirés. »

Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir. Tome I : Le renouveau. 1958-1962.

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« L’impérialisme américain occupe notre territoire de Taïwan depuis neuf ans, et tout récemment encore, il a envoyé ses forces armées occuper le Liban. Les Etats-Unis ont établi des centaines de bases militaires réparties dans de nombreux pays, à travers le monde entier. Cependant, le territoire chinois de Taïwan, le Liban ainsi que toutes les bases militaires à l’étranger sont autant de cordes de potence passées au cou de l’impérialisme américain. Ce sont les américains eux-mêmes, et personne d’autre, qui fabriquent ces cordes et se les mettent au cou, donnant l’autre bout de la corde au peuple chinois, aux peuples arabes et à tous les peuples du monde épris de paix et en lutte contre l’agression. Plus les agresseurs américains s’attarderont en ces lieux, plus se resserreront les cordes qui leur étreignent la gorge. »

Mao Tsé-toung, Le Petit livre rouge.

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