Psaumes d’un roi en exil

Psaumes d’un roi en exil

Il y a dans toute poésie comme un enchaînement de brisures.

Seigneur, comme il serait pénible de s’y poursuivre indéfiniment.

*

Je me souviens de ces nuits à pleurer

Enroulé dans les couvertures.

Je ne m’en souviens pas dans ma tête

Je m’en souviens dans mon corps

Toutes les fois que je tremble…

Le ruisseau de mes peurs qui rue depuis mes enfances s’est mu en un torrent qui prend parfois des formes terrifiantes et vient se fendre avec un fracas blanc contre les rochers.

Je traînais sur les rivages d’en face.

J’apercevais parfois un enfant lumineux et rieur qui se tenait immobile et me regardait.

Il avait des cheveux d’or. On aurait dit qu’il me ressemblait,

mais il semblait si loin de moi… même à un pas…

Et je me demandais, revenant à la tristesse, aux ronces et aux orties, les jours de pluie et de solitude, si tous les efforts que je faisais pour me rapprocher de lui ne finissaient pas par m’en éloigner tout à fait.

Quand on se regarde en face après avoir brisé tous les miroirs

on dirait qu’il ne resterait plus que l’enfant.

Il serait resté là, sans bouger,

il attendrait que son père lui donne la main pour l’encourager à traverser.

« Viens, le jour va se lever

Allons voir ensemble comment se dénombrent les roses de l’autre côté

Ne croirait-on pas entendre leurs couleurs chanter ?

Viens, n’ayons plus peur, sur ce chemin où nous ne sommes jamais seuls.

Viens, mon fils, je ne t’ai pas abandonné. »

Il avait suffit que je déplace quelques vieilles armoires pour que les recoins abandonnés à la mort se déploient comme des chauves-souris.

Mes enfances n’avaient jamais été très loin …

Toutes les nuits, dans l’oubli de mes rêves, j’allais tambouriné à la porte de mes cauchemars…

Délivrance ! Délivrance !

J’en revenais exsudé.

Il faut du courage pour traverser le courant.

Peut-être est-il des hommes sur cette terre qui n’ont jamais peur

Ceux-là n’ont pas besoin de courage.

Il me restait encore des peurs ce matin

Il allait me falloir encore être courageux.

Longtemps le courage fut pour moi un moyen d’être heureux.

Je suis allé ce tantôt porter mes cendres à la montagne, et la terre m’a recueillie,

enveloppé ma détresse immense dans sa tendresse immense.

Elle m’a porté comme une mère porte son enfant

Et l’apaise dans son chant.

Du silence…

Les flûtes du vent

Et le requiem des oiseaux

Ah ! mes oiseaux chanteurs…

Sois l’ami des oiseaux et il n’y aura aucun lieu où tu ne seras en amitié sur la terre.

Les mains agrippées dans les herbes, à genoux sous le ciel souverain

c’était Toi que j’implorais toutes les fois que j’implorais

Seigneur !

Mes larmes n’avaient pas de prix

Ma douleur n’était que le cri de ma traversée.

équinoxe d’automne, 2016

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *