Le chemin vers Dieu

Le chemin vers Dieu

« Il ne dépend pas de nous de croire en Dieu, mais seulement de ne pas accorder notre amour à de faux dieux. »

Simone Weil.

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Le chemin vers Dieu, en ce siècle particulièrement, vous le pressentez d’abord comme un chemin de solitude et de tristesse, bordé de ronces et d’orties, chemin de larmes et de pluie, qui n’est pas pavé du tout. Rien ne vous donne envie d’y aller. Vos espoirs, vos attentes, vos désirs, vos amours, vos amis, vos emmerdes, tout cela existe en cascade dans le monde et par le monde, et, vous avez beau vous sentir courageux, vous restez très attaché à ces déterminations de votre être, qui semblent vous dire qui vous êtes et le monde où vous vous trouvez. Vous avez le pressentiment que, si vous vous engagez définitivement sur cette voie, il vous faudra renoncer à toutes ces choses de votre attachement. Vous aimeriez que la vérité soit un peu différente, pouvoir réaliser votre conviction dans le monde, au milieu du monde, et jaillir de vous-même comme d’une lumière salvifique. Et le diable murmure à votre oreille : « Bien sûr que c’est possible ! Que veux-tu ? Vivre en moine ou en ermite, adressant tes prières à un Dieu qui n’existe pas ou qui est déjà mort, dans une église vide où il n’y a plus que des cloches à sonner – alors que je t’offre d’être leur roi ? » Mais vous ne choisissez pas d’être ou de ne pas être sur le chemin de Dieu ; vous ne choisissez pas d’être ou de ne pas être du monde, vous ne choisissez pas la nature vraie de votre désir. Vous avez pourtant essayé de rentrer dans le monde, de l’accepter ou de vous faire accepter par lui – et vous avez échoué. Mais vous n’avez pas échoué en vérité. Ce que vous enseigne l’expérience, c’est que, si vous vous obstinez à aller contre votre désir et votre loi, à vouloir choisir librement d’être ou de ne pas être celui-là, alors même le peu que vous pourriez grappiller vous sera enlevé. Car il n’y a, entre ces deux voies de l’humanité – celle vers Dieu et toutes les autres – aucune compromission possible. Vous ne choisissez pas d’être invité sur le chemin de Dieu et de ne pouvoir faire autrement que de répondre à l’appel ; de même que les ignorants ne choisissent pas pour eux-mêmes de rester aveugles et sourds, dansant ivres morts sur les traces du vieux bouc aux phéromones enflammées. La seule chose que vous puissiez choisir ou qui vous appartienne, ce sont les résistances que vous opposez à votre propre réalisation, vos doutes, vos indécisions ; votre seule liberté consiste à pouvoir demeurer dans les limbes des bordures extérieure, jamais vraiment en enfer, mais jamais non plus dans l’éclat de votre vérité ; votre seul pouvoir consiste à orienter votre désir vers toutes les tentations du monde et de leurs interminables fausses routes, ou l’orienter dans la direction qui est la vôtre.

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